Être aidant d’un proche en perte d’autonomie est un acte profondément humain. Pourtant, derrière cette générosité se cache souvent une réalité éprouvante : fatigue, stress, manque de temps pour soi.
Beaucoup d’aidants s’imposent de tout faire seuls, jusqu’à l’épuisement. Apprendre à déléguer une partie des soins n’est pas un signe de faiblesse, mais une condition essentielle pour préserver sa santé et la qualité de l’accompagnement.
Reconnaître les signes du surmenage
Avant même d’apprendre à déléguer, il faut savoir reconnaître les signaux d’alerte. Le surmenage ne s’installe pas du jour au lendemain : il se manifeste par une accumulation de fatigue, de tensions et de découragement.
Selon une étude publiée dans le Journal of Aging and Health (2022), près de 60 % des proches aidants présentent des symptômes d’anxiété ou de dépression liés à la surcharge émotionnelle et physique. Parmi les signes les plus fréquents :
• Difficulté à dormir ou sommeil non réparateur
• Perte d’appétit ou troubles digestifs
• Irritabilité, culpabilité, isolement social
• Baisse d’énergie et perte d’intérêt pour ses propres activités
Reconnaître ces signes, c’est déjà faire un premier pas vers la prévention.
Pourquoi déléguer est une nécessité
Déléguer, ce n’est pas abandonner son rôle, c’est mieux le remplir dans la durée. Prendre soin d’un proche mobilise énormément de ressources physiques et mentales. En s’appuyant sur d’autres, l’aidant peut se concentrer sur ce qui compte le plus : la qualité du lien avec la personne aidée.
Une étude canadienne publiée dans BMC Geriatrics (2023) a montré que les aidants qui délèguent une partie des soins (toilette, soins médicaux, tâches ménagères) présentent un niveau de stress inférieur de 40 % à ceux qui assument tout seuls la prise en charge.
En pratique, la délégation permet de :
• Préserver sa santé physique et mentale
• Assurer une continuité des soins, même en cas d’absence
• Maintenir un climat familial plus serein
• Redonner à la relation aidant-aidé une dimension plus affective que purement logistique
Identifier les tâches à déléguer
La première étape consiste à dresser la liste de toutes les tâches effectuées chaque jour : soins corporels, gestion des médicaments, préparation des repas, accompagnement aux rendez-vous, ménage, etc.
Ensuite, il faut distinguer ce qui peut être confié à un professionnel de ce qui doit rester du ressort familial.
Par exemple :
• Les soins médicaux et infirmiers peuvent être assurés par un service de soins à domicile.
• Les tâches ménagères ou la préparation des repas peuvent être confiées à une aide à domicile.
• Les transports ou accompagnements peuvent être pris en charge par des bénévoles ou des associations locales.
La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de privilégier une approche collaborative entre aidants familiaux et professionnels, afin d’assurer la cohérence du suivi et d’éviter les doublons.
Trouver les bons partenaires de confiance
Déléguer exige de s’entourer de personnes fiables. En Suisse, plusieurs structures comme Pro Senectute, Croix-Rouge Suisse, ou encore les services d’aide et de soins à domicile (SASD) proposent un accompagnement adapté.
Avant de confier une tâche, il est important de :
• Vérifier les compétences et les références du prestataire.
• Expliquer clairement les besoins et les habitudes de la personne aidée.
• Maintenir une communication régulière pour ajuster les interventions.
Une étude publiée dans Health & Social Care in the Community (2021) montre que les aidants qui collaborent étroitement avec les professionnels ressentent un meilleur sentiment de maîtrise et une plus grande satisfaction dans leur rôle.
Préserver du temps pour soi
Déléguer, c’est aussi se donner le droit de souffler. Consacrer quelques heures par semaine à ses propres activités n’est pas un luxe, c’est une nécessité.
Les moments de détente — lecture, promenade, rencontre avec des amis — aident à recharger les batteries émotionnelles et à éviter la lassitude.
Le programme européen « Respite Care » a démontré que les périodes de répit régulières pour les aidants réduisent significativement le risque d’épuisement et améliorent la qualité de la relation avec la personne aidée.
Conclusion
Apprendre à déléguer les soins, c’est comprendre que prendre soin de soi fait partie du soin de l’autre. En s’entourant de professionnels qualifiés, en répartissant les responsabilités et en gardant du temps pour soi, l’aidant protège non seulement sa santé, mais aussi celle de la personne qu’il accompagne.
Un aidant reposé, écouté et soutenu sera toujours plus disponible, plus attentif et plus bienveillant — pour offrir ce qu’il a de plus précieux : une présence humaine de qualité.


